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Par John Jamieson

La discussion autour de la hausse du prix des denrées alimentaires est passée des bulletins d’information aux conversations à table. Quelle que soit votre couche sociale, le prix des aliments est sur votre radar. Quoique le coût des aliments monte en flèche tout au long de la chaîne d’approvisionnement, des producteurs aux épiciers, nous pouvons être reconnaissants malgré la dure réalité. En effet, le Canada possède l’un des meilleurs systèmes alimentaires au monde et nous sommes résilients en tant que consommateurs.

Nous avons tous vu les reportages annonçant que le même panier d’épicerie en 2022 pourrait coûter, aux familles canadiennes, presque 1000 $ de plus que l’an dernier. Comment en sommes-nous arrivés là ? L’actualité rejoint la fiction et se lit comme un roman. Nous faisons face à une tempête parfaite, provoquée par une pénurie de main-d’œuvre perpétuelle, la première pandémie en un siècle, l’impact du changement climatique sur le rendement des cultures, la hausse des prix de l’essence et l’invasion de l’Ukraine par la Russie — le tout ayant provoqué une inflation spectaculaire des produits alimentaires.

Comme si la cour n’était pas déjà pleine, le récent conflit de travail au CP Rail a montré à quel point le réseau de distribution canadien peut être fragile. Le prix élevé des engrais, la pénurie d’aliments pour animaux d’élevage et les conditions météorologiques imprévisibles exercent une pression toujours plus grande sur les agriculteurs.

Nous n’avions pas vu une telle inflation alimentaire depuis les années ’80. La situation était encore pire dans les années ’70, lorsque l’inflation alimentaire dépassait les 10%. Les Canadiens avaient alors réagi en adoptant de nouvelles habitudes de consommation. Aujourd’hui, nous voyons la croissance des épiceries offrant une valeur axée sur le prix plutôt que sur l’expérience d’achat. Si nous sommes tous appelés à ajuster nos habitudes de consommation à court terme, les consommateurs peuvent en faire beaucoup plus pour favoriser l’abordabilité des aliments à long terme, ce qui comporte des avantages considérables.

Les aliments cultivés, mais non consommés, représentent l’une des principales causes des gaz à effet de serre produits par le système alimentaire. Face à la hausse des prix des denrées alimentaires, nous devons réfléchir à ce qu’il est possible de faire individuellement pour réduire ce gaspillage. Nous pouvons harmoniser nos achats à notre consommation. Si nous savons que nous ne mangerons pas certains aliments, nous pouvons chercher à faire don de nos surplus.

Environ 60 % de la nourriture jetée par les ménages canadiens est comestible et pourrait servir de repas à quelqu’un d’autre. Le ménage moyen dépense 1700 $ par année pour des aliments qui seront jetés. Nous pouvons faire mieux.

Le Canada joue un rôle énorme dans le système alimentaire mondial. Par exemple, l’an dernier, nous nous sommes classés au quatrième rang mondial pour les exportations de blé. La Russie et l’Ukraine représentent 35 % de la production mondiale de blé — une récolte qui sera grandement réduite cette année en raison de la guerre.

La sécurité alimentaire passe par un accès fiable à des aliments nutritifs et abordables. Nous avons vu avec quelle facilité cette sécurité peut être mise en péril par une guerre, des conditions météorologiques extrêmes, des pénuries et des interruptions de travail, ainsi que par tout goulet d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement. Pour assurer notre sécurité alimentaire, nous devons maintenir la production sur nos riches terres agricoles et conserver notre capacité à transformer et à distribuer les aliments que nous cultivons. L’accessibilité alimentaire est indissociable de notre souveraineté alimentaire.

Au Canada, nous jouissons d’un système alimentaire enviable. Nous cultivons des aliments pour nous-mêmes et exportons les surplus dans le monde entier. Nous devons faire un effort conscient à la fois pour maintenir notre capacité de production et augmenter notre capacité de transformation des aliments. Nous pouvons y parvenir d’abord en protégeant nos terres agricoles fertiles, puis en soutenant les technologies qui nous rendent plus efficaces et favorisent notre accès à des aliments abordables. Nos pratiques durables ne doivent pas nuire à notre production.

L’accessibilité alimentaire nourrit les conversations à l’échelle individuelle, nationale et mondiale. En tant que consommateurs, nous devons non seulement poursuivre ce dialogue, mais aussi développer des habitudes qui l’appuient.

John Jamieson est le président-directeur général du Centre canadien pour l’intégrité des aliments.

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