Par John Jamieson
Le Canada est dans la position enviable de pouvoir produire assez d’aliments pour nourrir amplement ses citoyens et exporter ses surplus. Cependant, moins d’un pour cent de la population participe à la production primaire, c’est-à-dire que 38 millions de personnes sont nourries par 250 000 travailleurs. Notre seule façon d’y parvenir a été d’adopter une politique alimentaire réfléchie, fondée sur la science et qui favorise la diversité au sein de notre système alimentaire. Nous devons demeurer conscients de tout changement apporté par le gouvernement à notre politique alimentaire nationale, car chaque Canadien en viendra à ressentir les effets.
La sécurité alimentaire passe par un accès fiable à un approvisionnement adéquat en aliments sains et nutritifs, le tout à un coût raisonnable. La souveraineté alimentaire est la capacité d’un pays à produire la nourriture nécessaire à ses citoyens en quantité substantielle. Le Canada jouit des deux et nous ne devons jamais les considérer comme un acquis. Nous avons vu les répercussions du changement climatique et de la guerre en Ukraine sur notre sécurité et notre souveraineté alimentaires.
La meilleure façon de soutenir l’une et l’autre est d’utiliser au mieux les technologies dont nous disposons et de préserver la diversité au sein de notre système alimentaire, soit: petites productions, agriculteurs moyens et grandes exploitations d’une part; diversité de cultures, d’élevages et de modes de production d’autre part, y compris un éventail de fermes conventionnelles et biologiques. Cette diversité contribue à nous protéger des catastrophes, car elle favorise notre capacité d’adaptation et nous permet de produire une variété d’aliments pour usage domestique et pour exportation.
Dans le plan climatique du Canada, le gouvernement propose de réduire les émissions provenant des engrais synthétiques de 30 % par rapport aux niveaux de 2020. Nous devons nous assurer que le plan sollicite la contribution des parties prenantes, qu’il est fondé sur des données scientifiques, et qu’il tient compte de la sécurité et de la souveraineté alimentaires.
Nous pouvons tous tirer des leçons de l’échec de la récente politique alimentaire du Sri Lanka. En 2020, le gouvernement sri-lankais a pris la décision de passer immédiatement à la production alimentaire biologique, en interdisant les engrais synthétiques. En l’espace d’un an, le rendement des cultures s’est effondré, le Sri Lanka a été contraint de dépenser des centaines de millions de dollars pour importer du riz — son ancienne culture nationale — et toute une classe moyenne a sombré dans la pauvreté. Il ne s’agit pas d’un échec en matière de production biologique, mais plutôt en matière de planification et de reconnaissance de l’impact des politiques sur les citoyens. Les Canadiens ne doivent jamais perdre cette réalité de vue.
Une bonne politique alimentaire repose sur des informations crédibles. Nous dépendons d’une couche de sol canadien d’à peine 30 cm afin de produire des aliments pour nous et pour les gens du monde entier. La population mondiale avoisine les huit milliards d’habitants et ne cesse de croître. Nous devons réfléchir aux moyens à prendre pour concilier les enjeux de la durabilité et notre capacité de produire un maximum de nourriture à partir d’un acre de terre. Notre efficacité à ce faire permettra aussi de consacrer beaucoup plus d’espace aux habitats fauniques et aux utilisations récréatives et résidentielles.
Un pays comme le Canada, bénéficiant d’une agriculture riche et diversifiée, a l’autorité morale non seulement de se nourrir lui-même, mais aussi de contribuer à nourrir le monde. Nous sommes sur la bonne voie pour améliorer la durabilité et réussirons à garder le cap si tous demeurent conscients du but à atteindre: la diversité au service de notre sécurité et de notre souveraineté alimentaires.
John Jamieson est le président et chef de la direction du Centre canadien pour l’intégrité des aliments.